Contribution additionnelle de 3% sur les dividendes : l’heure des réclamations a sonné
La loi de finances rectificative pour 2012 a institué une contribution sur les revenus distribués par les entreprises autres que les PME. Présentée comme « additionnelle » à l’impôt sur les sociétés, cette contribution a en réalité une nature hybride. Dans plusieurs situations son application peut être contestée pour non-conformité avec la réglementation communautaire.
Le mécanisme de la contribution dite « additionnelle » à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués » est relativement simple. Tous les revenus distribués par des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés autres que des PME et des filiales membres d’un groupe d’intégration fiscale sont soumises à une taxation spécifique égale à 3% de leur montant. Cette imposition codifiée à l’article 235 ter ZCA du CGI est due à l’échéance de l’acompte qui suit la mise en paiement de la distribution.
Ce dispositif conduit à faire supporter à un même bénéfice des impositions multiples, à chaque fois qu’il est distribué puis redistribué à des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Seuls les bénéfices réalisés par les membres d’un groupe fiscal échappent à ce cumul de taxations : la contribution n’est due que lors de la mise en paiement des distributions effectuées par la mère intégrante. Sous cette réserve des groupes fiscaux, aucune distinction n’est faite suivant la qualité du bénéficiaire des dividendes : les distributions réalisées au profit des actionnaires étrangers sont soumises à la contribution, au même titre que celles faites à des sociétés ayant la qualité de sociétés mères, à des entités soumises à l’IS n’ayant pas ce statut, ou à des personnes physiques.
Dans plusieurs de ces situations, l’application de la contribution prête à contestation.
L’application de la contribution aux distributions faites aux sociétés mères est contestable au regard du droit communautaire
La directive communautaire du 30 novembre 2011 régit la fiscalité applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents de l’Union européenne.
Les articles 4 et 5 posent deux limites à la fiscalisation des distributions réalisées au profit des sociétés mères, définies par ce texte comme les entités détenant une participation supérieure à 10% au capital de l’entreprise distributrice.
L’article 5 prévoit l’exonération de retenue à la source des dividendes versés entre sociétés mères et filiales. L’article 4 pose le principe suivant lequel les distributions faites par une filiale à sa société mère ne peuvent pas faire l’objet d’une double imposition à l’impôt sur les sociétés. Il offre aux Etats membres une alternative : soit les bénéfices reçus par la société mère en provenance de sa filiale sont exonérés, soit la société mère se voit reconnaître la faculté de déduire du montant de l’impôt dont elle est redevable la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices acquittée par sa filiale et par toute sous-filiale.
Pour qualifier un prélèvement comme une retenue à la source la jurisprudence communautaire ne s'arrête pas aux définitions retenues par le droit interne, mais analyse les caractéristiques effectives de l'impôt en cause. Elle vérifie en effet que trois conditions sont réunies : le fait générateur de l’impôt est la mise en paiement du dividende, son assiette est constituée par le montant de la distribution, et le redevable est le porteur des titres. S'agissant de la contribution sur les revenus distribués, il ne fait aucun doute que les deux premières conditions sont réunies. La démonstration que la dernière condition est satisfaite pourra s'avérer plus délicate dans la mesure où la contribution est acquittée par la société distributrice. Mais il faut compter avec le pragmatisme dont fait preuve la Cour de justice. Des arguments tirés de la situation concrète de la société distributrice et de sa politique de distribution pourraient convaincre le juge que, même si elle n'est pas payée par l'actionnaire, la contribution pèse en réalité sur lui et a pour effet pratique de réduire son revenu.
Mais c’est sur le fondement de l’article 4 de la directive que la contribution encourt le plus de critiques. Elle nous semble en effet enfreindre le principe d’interdiction de la double imposition des dividendes entre sociétés mères et filiales. Le seul tempérament à ce principe qui est autorisé par la directive porte sur la possible imposition de 5% des dividendes perçus par la société mère. Mais cette faculté a déjà été utilisée par la France puisque l’article 216 du CGI impose aux sociétés mères la réintégration d’une quote-part de frais et charges fixée à 5% du dividende perçu. La contribution sur les revenus distribués, en tant qu’elle institue une taxation spécifique des dividendes à l’impôt sur les sociétés, vient par conséquent en excédent du seuil admis par la directive.
Il est vrai que l’administration ne manquera pas d’arguer que la contribution additionnelle à l’IS n’a pas la même nature juridique que l’IS. Mais la jurisprudence européenne ne s’arrête pas à une qualification juridique de droit interne pour porter son appréciation sur l’application des textes communautaires. Une illustration récente de ce pragmatisme a été fournie dans la décision rendue par la Cour à propos de la CSG appliquée par la France aux revenus du patrimoine des non-résidents (CJUE 26-2-2015, aff 623/13 : voir à ce sujet notre commentaire publié sur avocat.net).
La contribution est bien une taxation qui frappe sur le bénéfice imposable, même si son fait générateur est constitué par sa répartition à ses actionnaires et non par la clôture de l’exercice. Dans la présentation de la mesure faite au parlement, le Gouvernement indique d’ailleurs que son objectif est de revenir à une taxation différenciée des bénéfices à l’impôt sur les sociétés qui avait eu cours entre 1989 et 1992.
Vraisemblablement conscient du risque soulevé par la double imposition des dividendes en raison de la nouvelle contribution, le Gouvernement avait d’ailleurs prévu dans le texte institutif une exonération des distributions mises en paiement entre sociétés mères et filiales, en retenant le seuil minimal de détention de 10% qui est celui prévu par la Directive. Ceci marque bien le souci du législateur de placer le dispositif en conformité avec les contraintes posées par cette Directive. Mais au cours du débat parlementaire, un amendement est revenu sur cette exonération en invoquant un souci de « simplicité » et la préoccupation de rendement budgétaire.
La contribution met en place une différence de traitement contestable entre les filiales et les établissements stables de sociétés implantées en Union européenne
On sait que les bénéfices réalisés par les établissements stables de sociétés étrangères sont normalement réputés distribués distribués à des associés étrangers par l’article 115 quinquies du CGI. Une exception expresse à cette présomption est prévue à l’égard des bénéfices réalisés par l’intermédiaire d’un établissement stable par une société établie dans un Etat membre de l’Union européenne. Par l’effet d’un renvoi de l’article 235 ter ZCA à l’article 115 quinquies, les sociétés étrangères intervenant en France par l’implantation d’un établissement stable échappent à la contribution. En revanche, lorsqu’elles font le choix de créer filiale sur le territoire national, l’appréhension du résultat réalisé dans le cadre de cette activité ne pourra intervenir que moyennant le paiement de la contribution sur les revenus distribués. Si une filiale et un établissement stable réalisent sur le territoire national un même bénéfice, le montant susceptible d’être appréhendé en définitive par la société étrangère ne sera pas le même. L’introduction d’une discrimination de cette nature nous paraît contestable sur le terrain de la liberté d’établissement.
Votre cabinet se tient à votre disposition pour approfondir avec vous ces points et vous accompagner dans la préparation de réclamations. Les demandes de restitution peuvent porter sur la contribution acquittée à raison des distributions mises en paiement en 2013, 2014 et 2015. Pour la contribution payée en 2013, les réclamations peuvent être adressées à l'administration jusqu'au 31 décembre 2015.