Définition d’une holding animatrice : les pouvoirs publics refusent d’intervenir
Alors que le législateur prend souvent plaisir à détailler avec un regrettable excès de zèle des réglementations qui s’appliquent à une poignée de citoyens ou de contribuables, on ne peut que déplorer le maintien d’une insécurité juridique complète à propos du statut de holding animatrice.
Le statut de holding animatrice est aujourd’hui revendiqué par environ 10000 sociétés, qui entendent faire bénéficier leurs actionnaires d’avantages fiscaux, principalement en matière d’ISF et de droits de mutation. Mais bon nombre de ces contribuables sont placés dans une insécurité juridique forte en l’absence de toute définition structurée de la holding animatrice par les pouvoirs publics. Alors que l’administration avait envisagé la publication d’une instruction en 2014 qui n’a finalement pas vu le jour, deux initiatives récentes méritent d’être relevées.
La première vient de la « société civile » : en novembre dernier, le Conseil Supérieur du Notariat, le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables et le Conseil National des Barreaux ont cosigné une proposition de définition de la holding animatrice. Une telle initiative conjointe des plus hautes instances des professions du droit et du chiffre est suffisamment rare pour être relevée. Elle marque par elle-même l’importance pratique de cette question.
Selon cette proposition, « est holding animatrice de son groupe, toute société qui détient une ou plusieurs filiales, et qui seule ou avec d’autres associés, participe à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de tout ou partie des filiales.
Une société holding est réputée animatrice dès lors qu’elle se trouve dans l’une au moins des quatre situations suivantes :
- une convention a été conclue par la holding avec une ou plusieurs de ses filiales stipulant que la holding participe à la conduite de la politique du groupe que la ou les filiales s’engagent à l’appliquer ;
- la holding exerce une fonction de direction visée à l’article 885-0 bis dans une plusieurs de ses filiales et en détient le contrôle ;
- au moins un dirigeant de la holding au sens de l’article 885-0 bis du CGI exerce dans la ou les filiales une des fonctions de direction visées audit article et la holding détient le contrôle ;
- la holding détient le contrôle dans une ou plusieurs de ses filiales et leur procure des prestations de services de nature administrative, comptable, financière, juridique, immobilière ou de toute autre nature.
Une société holding est réputée détenir le contrôle d’une filiale lorsqu’elle dispose seule, directement ou indirectement, d’une fraction de droits de vote supérieure à celle détenue par chacun des autres associés ou lorsqu’elle exerce la majorité des droits de vote soit seule, soit conjointement avec un ou plusieurs autres associés en vertu d’un accord conclu entre eux. »
Ce texte a pour intérêt de combiner une définition générale de la holding animatrice, reposant sur les critères de l’impulsion de la stratégie du groupe et du contrôle de sa mise en œuvre avec des critères précis et concrets permettant d’obtenir une présomption du caractère effectivement animatrice de la société.
Dans cette même perspective, une proposition d’amendement visant à figer dans la loi la définition de la holding animatrice a été déposée à l’occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2016 par M Carré, député. Le texte de l’amendement reprenait une définition proche de celle cosignée par les instances professionnelles. Afin de parfaire la sécurité juridique qui est indispensable dans ce registre, le texte introduisait en outre la possibilité d’interroger l’administration dans le cadre d’un rescrit afin d’avoir la confirmation de la qualification d’une société comme holding animatrice. Compte tenu de la rapidité des changements qui peuvent survenir en pratique, il était proposé que la décision administrative ne garantisse le statut demandé que pendant deux ans.
Malheureusement ce texte n’a pas vu le jour.
En l’absence de tout texte général, les contribuables doivent s’en remettre à la jurisprudence. Pour l’heure, les litiges sont en débat au niveau des juges du fond. Il s’en dégage une exigence forte du juge concernant la réalité des interventions du holding dans les opérations et les décisions stratégiques de ses filiales. Il ne s’en tient pas à la lecture d’une convention d’animation, certes utile, pour forger sa conviction. La société holding doit établir par des éléments factuels que son rôle excède celui normalement dévolu à un actionnaire. Le seul fait que le holding et les sociétés opérationnelles aient des dirigeants communs n’est pas en lui-même suffisant pour établir la qualité animatrice du holding. Certes cet élément est pris en considération mais la réalité concrète du processus décisionnel doit confirmer le rôle du holding. Telle est l’analyse qui se dégage par exemple d’un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes 22 octobre 2015 n°14NT00291).
Aussi intéressantes qu’elles soient, les quelques décisions rendues par les juges sur cette question ne suffisent pas à forger l’indispensable sécurité juridique à laquelle les contribuables aspirent. La balle est aujourd’hui dans le camp des pouvoirs publics. Une prise de position réaliste et pragmatique de Bercy est attendue. Elle devra s’appuyer sur la réalité de la gouvernance des très nombreux groupes ayant à leur tête une holding animatrice.