Déduction des redevances d’exploitation de marques ou logiciels : relisez vos contrats !
Le Conseil d’Etat vient de réaffirmer que les redevances versées au titre de l’exploitation de marques ou de logiciels sont par principe déductibles du résultat imposable, sous réserve que les droits détenus par l’entreprise ne puissent pas être cédés.
Les services vérificateurs tentent couramment de remettre en cause la déduction des redevances d’exploitation de droits de la propriété industrielle ou intellectuelle. Ils prétendent qu’elles constituent le coût de revient d’un élément d’actif immobilisé et que leur déduction ne peut être opérée que par le biais d’un amortissement.
La jurisprudence du conseil d’Etat a fixé depuis une vingtaine d’années les principes en la matière : les droits détenus ne peuvent être inscrits à l’actif immobilisé que s’ils constituent une source régulière de profit dotée d’une pérennité suffisante et sont cessibles (CE 21-8-1996 n°154488).
Mais le changement de réglementation comptable intervenu en 2005 pouvait soulever un doute sur le maintien de cette position.
La réglementation comptable en vigueur depuis cette date a en effet abandonné le critère de la patrimonialité pour la définition des actifs : des droits incorporels peuvent être qualifiés comme des immobilisations dès lors que l’entreprise est titulaire de leur contrôle, alors même qu’elle n’en serait pas propriétaire et qu’en conséquence elle ne pourrait pas les céder.
Les contrats portant sur l’exploitation de marques ou brevets ne sont pas obligatoirement soumis à cette réglementation dans la mesure où ils consistent en des opérations de louage : les entreprises disposent d’une option entre l’application des nouveaux critères comptables de définition des actifs plus « économiques » et le passage en charges des redevances dans les comptes.
Dans ce contexte, il est important que le Conseil d’Etat ait réaffirmé que les droits d’exploitation de marque ne peuvent au plan fiscal donner lieu à une qualification comme éléments d’actif immobilisé que si les trois critères traditionnels fixés par la jurisprudence sont réunis, ce qui suppose notamment que les droits dont l’entreprise concessionnaire est titulaire soient cessibles (CE 15-6-2016 n°375446).
Autre élément nouveau : ces mêmes critères sont applicables pour apprécier le régime fiscal des redevances d’exploitation de logiciels (CE 19-7-2016 n°368473). Une sécurité juridique est ainsi donnée aux entreprises s’agissant de ces redevances, car la plupart des contrats de licence conclus pour l’utilisation de logiciels prévoient expressément que les droits conférés ne peuvent être commercialisés.
Mais attention ! Le silence du contrat sur la possibilité de transférer les droits ne vaut pas incessibilité (CE 14-10-2005 n°262219). La jurisprudence a en outre considéré que l’obligation d’obtenir l’agrément du concédant ne peut pas non plus être regardée comme une interdiction de cession (CAA Paris 27-11-2003 n°99-574).
Or il est essentiel pour les entreprises d’avoir la garantie que les contrats d’utilisation de marques ou logiciels ne seront pas traités comme des immobilisations incorporelles. A défaut les redevances ne seront pas des charges d’exploitation. La déduction des versements effectués par le biais d’amortissements au lieu de charges d’exploitation a un coût fiscal car les amortissements ne sont pas imputables sur la valeur ajoutée à prendre en compte pour le calcul de la CVAE.
En outre une seconde discussion peut s’engager avec le vérificateur qui immobilise un contrat, portant sur son caractère amortissable. Comme en témoigne l’arrêt du CE 15 juin 2016 n°375446, la circonstance que le contrat puisse être renouvelé par tacite reconduction est de nature à convaincre le juge qu’il n’est pas amortissable. La pénalisation du concessionnaire est alors maximale puisqu’il ne peut pratiquer aucune déduction à raison du prix payé pour l’exploitation de la marque ou du logiciel. Une telle situation est évidemment choquante au plan économique dès lors que les redevances payées sont en pratique la contrepartie du droit de jouissance des droits concernés, assimilables à des loyers.
Pour éviter tout risque de remise en cause de la déduction des redevances versées pour l’exploitation de marques ou logiciels, il est donc important de s’assurer que les clauses des contrats conclus répondent aux conditions posées par le Conseil d’Etat pour la déduction immédiate des redevances en charges.